L’agrivoltaïsme associe production agricole et solaire sur une même parcelle. Si les offres sont attractives, certains contrats peuvent désavantager l’exploitant : vigilance et encadrement juridique sont essentiels.

L’agrivoltaïsme désigne l’installation de panneaux solaires sur des surfaces agricoles, dans le but de produire de l’électricité tout en maintenant une production agricole significative. Concrètement, cela se traduit par :

  • des structures en hauteur (souvent entre 3 et 5 mètres),
  • des panneaux fixes ou mobiles, parfois pilotés pour suivre le soleil ou moduler l’ombrage,
  • une coexistence avec des cultures (maraîchage, vigne, céréales) ou de l’élevage (pâturages).

Ce modèle repose sur une idée simple : faire cohabiter deux activités sur une même surface pour maximiser la valeur du foncier sans sacrifier la fonction nourricière du sol.

1. Identifier les enjeux et les promesses

L’agrivoltaïsme promet d’offrir des solutions à plusieurs défis actuels :

  • Double usage du sol : il permet de valoriser chaque mètre carré de terre en produisant à la fois des denrées agricoles et de l’énergie renouvelable.
  • Adaptation au changement climatique : les installations photovoltaïques protègent les cultures et les animaux, tout en régulant la température et l’humidité, contribuant ainsi à la résilience des exploitations agricoles.
  • Revenus complémentaires : la production d’électricité solaire génère des revenus supplémentaires pour les agriculteurs, offrant ainsi une diversification de leurs sources de financement.

Bien conçu, il parait évident que l’agrivoltaïsme deviendra un levier important pour la durabilité des exploitations agricoles, en particulier face au stress climatique. Cependant, la mise en place de tels projets nécessite des accords juridiques et contractuels précis, dont les modalités doivent être soigneusement définies.

2. Encadrer les contrats

La mise en œuvre d’un projet agrivoltaïque repose sur une structuration contractuelle en deux étapes :

  1. Une promesse de bail, qui permet de sécuriser le foncier pendant la phase de développement.
  2. Un bail définitif, signé une fois les autorisations administratives obtenues.

Bien que porteurs d’opportunités économiques et écologiques, ces contrats, souvent conclus pour 20 à 40 ans, présentent des risques juridiques importants pour l’exploitant agricole, notamment en cas de déséquilibre contractuel ou de clauses défavorables.

  • La promesse de bail

La promesse de bail est généralement conclue pour une durée de 5 ans renouvelable. Elle engage le propriétaire, l’agriculteur ou son bailleur, à consentir un bail long terme (emphytéotique ou à construction), sous réserve de l’obtention des autorisations nécessaires (urbanisme, environnement, raccordement, etc.). Ces types de baux confèrent à l’opérateur un droit réel, proche de celui d’un propriétaire, pour un loyer souvent modeste.

POINTS DE VIGILANCE :

  • Blocage du foncier : une clause d’exclusivité peut empêcher toute autre initiative pendant plusieurs années, même si le projet n’aboutit pas.
  • Rentabilité incertaine : les revenus annoncés à la signature, lorsqu’ils sont précisés dans les projets, peuvent différer significativement de ceux réellement perçus lorsque le projet aboutit, ce qui peut arriver jusqu’à 10 ans après la conclusion de la promesse. Les conditions d’indemnisation pour l’immobilisation du foncier (montant, durée, fiscalité) doivent tout autant être définies, notamment en cas de renouvellement de la durée de la promesse.
  • Absence de pouvoir de négociation : si l’exploitant n’est pas propriétaire, il peut être écarté des discussions. D’où l’importance de ne pas engager un projet sur du foncier qu’il ne maîtrise pas.
  • Renouvellement automatique : certaines promesses permettent à l’opérateur de prolonger unilatéralement la durée sans l’accord de l’exploitant. Il est donc essentiel de prévoir une clause de sortie claire que l’exploitant peut activer.
  • Clause de substitution : il est très fréquent que l’opérateur se réserve le droit de transférer ou même céder ses droits à un tiers sans l’accord de l’agriculteur. Cela remet en cause la relation de confiance et de transparence sur l’identité du futur cocontractant qui, du fait de cette clause, est très incertaine.
  • Le bail

Une fois les conditions suspensives levées, la promesse débouche sur la signature du bail définitif, qui formalise l’installation des équipements agrivoltaïques. Deux types de baux sont principalement utilisés :

  • Le bail emphytéotique (18 à 99 ans), qui accorde à l’opérateur un droit réel sur le terrain.
  • Le bail à construction, qui impose la construction d’ouvrages, lesquels reviendront au propriétaire à la fin du bail.

Ces baux sont essentiels à la viabilité du projet, mais doivent être encadrés avec rigueur.

POINTS DE VIGILANCE :

  • Identité du locataire : en raison de clauses de substitution fréquemment insérées dans les promesses de bail, l’identité du preneur final n’est souvent pas connue à l’avance. Le projet de bail est alors présenté sans mention précise du cocontractant, ce qui constitue une zone d’insécurité juridique pour l’agriculteur, qui peut ne découvrir l’identité réelle de l’opérateur qu’au moment de la signature du bail définitif. Cette incertitude nuit à la transparence et à la relation de confiance.
  • Perte de maîtrise du foncier : sans clauses protectrices, l’exploitant peut se voir restreint dans son activité proche des parcelles données à bail (accès, pratiques agricoles, travaux à proximité, etc.).
  • Clauses déséquilibrées : loyers très faibles ou non mentionnés dans les projets, indexations floues, ce qui nuit au calcul de rentabilité du projet pour l’exploitant. D’autres clauses autorisent l’accès de l’exploitant aux parcelles seulement après autorisation unilatérale de l’opérateur. Les clauses de renouvellements doivent être contrôlées. En effet, il a été vu dans des projets des clauses permettant le renouvellement automatique du bail à la seule initiative de l’opérateur sans possibilité que l’exploitant-bailleur s’y oppose.

Mal négociées, ces dispositions peuvent enfermer l’agriculteur dans un bail contraignant de très longue durée, tout en affaiblissant sa maîtrise de l’exploitation, voire une partie de ses revenus. Il est donc essentiel de faire encadrer ces clauses dès la phase de promesse pour préserver les intérêts de l’exploitant sur le long terme.

  • Remise en état et retour au patrimoine du bailleur : à l’issue du bail, le bailleur, en l’occurrence l’exploitant, peut être tenu de démanteler les installations ou de prendre en charge la remise en état du terrain, ce qui peut représenter un coût significatif. Il est essentiel de prévoir contractuellement la répartition de ces charges, idéalement à la charge de l’opérateur.

Par ailleurs, en cas de réintégration des ouvrages (ex : bâtiments, fondations) dans le patrimoine du bailleur, il faut anticiper les conséquences fiscales. Pour éviter une imposition sur la valeur des biens réintégrés, la durée du bail doit être alignée sur les règles d’abattement pour durée de détention, soit 30 ans minimum, afin de bénéficier d’une exonération totale des plus-values immobilières.

  • Risques réglementaires : un projet mal encadré peut entraîner des conséquences lourdes pour l’exploitant, notamment la perte des aides PAC, l’inéligibilité à certaines subventions, ou la requalification du statut professionnel (ex. : si l’activité agricole devient secondaire par rapport à la production d’énergie). De plus, compte tenu de la durée longue des baux, il est impératif de prévoir la cessibilité ou la transmissibilité des contrats en cas de vente, transmission familiale ou changement d’exploitant. À défaut, le projet peut devenir un frein au renouvellement des générations agricoles ou générer des litiges au moment de la cession de l’exploitation.

3. Se faire accompagner

La promesse et le bail sont les deux piliers contractuels des projets agrivoltaïques. Bien qu’indispensables pour sécuriser les investissements, ils peuvent fragiliser la position de l’exploitant agricole s’ils ne sont pas négociés avec prudence.

Un accompagnement juridique spécialisé est fortement recommandé pour garantir un contrat équilibré, préserver l’activité agricole, et assurer la viabilité à long terme du projet.

Si vous souhaitez vous renseigner sur un projet, avant de vous lancer, prenez contact avec votre AGC ou cliquez ci-dessous pour localiser l’antenne Accompagnement Stratégie la plus proche de votre localisation.

Merci aux salarié.e.s de nos AGC pour le partage constant de leur expertise et particulièrement à Andréa Prentout, d’AS 27, Accompagnement Stratégie Eure, pour cet article publié dans la revue Ensemble (numéro 127).

Sources complémentaires :

AS 27, Accompagnement Stratégie Eure : https://www.as27.fr/

Photo : Jacopo Landi – shutterstock