La Commission européenne a fait part de ses remarques sur le Plan Stratégique National (PSN) de la PAC proposé par la France. Certaines observations appellent des explications tandis que d’autres pourraient entraîner des ajustements. Quels sont les points discutés ?
La PAC 2023-2027 se prépare. Comme chaque Etat membre, la France a présenté son plan stratégique national (PSN) à la Commission européenne en décembre dernier et comme prévu les discussions sont en cours. Le 28 avril, la Commission a publié ses observations pour chaque PSN dont celui de la France. Au total, 187 observations ont été faites sur lesquelles la France sera en capacité pour une grande majorité d’entre eux de « justifier » son approche et ses décisions. A titre de comparaison, l’Espagne approcherait les 300 points, les Pays-Bas 290, la Suède 262, la Finlande 220.
Les demandes de la commission
- de réévaluer la redistribution vers les petites et moyennes exploitations.
- d’accroître la mobilisation de moyens en faveur des énergies renouvelables et en particulier du biogaz.
- de prendre en compte les objectifs définis dans la loi européenne sur le climat et de fixer le résultat à atteindre dans le domaine de la réduction de GES en élevage notamment et sur la gestion durable des nutriments.
- de revoir à la hausse, le niveau de soutien aux objectifs de protection de l’eau et de gestion des fertilisants, d’augmenter significativement les investissements visant à la réduction effective de la consommation d’eau en agriculture (y compris changement de cultures ou de variétés, mesures de rétention naturelle de l’eau dans le sol, pratiques alternatives, réutilisation des eaux usées, etc.).
- des explications sur les raisons pour lesquelles certains cas spécifiques, tels que la maïsiculture, justifieraient une approche différente.
- des précisions sur la certification HVE (bénéficiant de la même rémunération que l’agriculture biologique, alors que le cahier des charges de la certification est considéré comme beaucoup moins contraignant, bien que soumis à révision). La Commission européenne recommande donc la révision de certaines voies d’accès aux éco-régimes ou l’adaptation de certains niveaux de paiements (introduction d’un 3ème niveau de paiement).
- des précisions sur les éco-régimes rappelle l’interdiction du double financement entre l’éco-régime et certaines interventions du 2ème pilier, en citant en exemple, les mesures de conversion en l’agriculture biologique.
Que prévoit le plan stratégique national dans sa version actuelle ? (décembre 2022) ?
Avant d’éventuelles corrections suite aux demandes de la Commission, voici les grandes lignes de ce que prévoyait le PSN :
Bénéficiaires des aides PAC (proposition provisoire)
À partir de 2023, seuls les agriculteurs, cotisant à l’Atexa (ou l’équivalent) et n’ayant pas fait valoir leurs droits à la retraite, pourront percevoir des aides PAC. Et cela même s’ils ont plus de 67 ans, l’âge légal de départ à la retraite, contrairement à ce qui avait été évoqué lors d’un comité État-Régions le 10 novembre 2021.
Cette première définition de l’agriculteur actif sera donc complétée dans un second temps, explique le cabinet du ministre. De nouvelles réunions de travail vont être prévues avec les parties prenantes, précise le ministère, notamment pour déterminer des cas particuliers.
Concernant les installations agricoles, l’âge maximum permettant de percevoir les aides JA (DJA et aides à l’investissement) est maintenu à 40 ans, comme confirmé lors du même comité État-Régions. Sur la question du diplôme, le ministre a tranché. Il faudra un diplôme agricole de niveau 4 au minimum (bac ou équivalent) pour s’installer avec les aides.
Attention, le volet national n’ayant pas encore été validé, les aides sont susceptibles d’être encore amendées.
Les aides du 1er pilier FEAGA (7,3 milliards d’euros, -2%)
Les aides découplées
- les droits à paiement de base (DPB), leur montant minimum sera relevé autour de 106 € et les plus élevés vont diminuer de 30% au maximum pour se rapprocher de la moyenne nationale de 125 € / ha.
- les éco-régimes, aides facultatives, elles vont suppléer le paiement vert pour favoriser les pratiques favorables à l’environnement sans lien avec les DPB. Leur montant se situera entre 54 et 76 € / ha selon le niveau d’engagement.
Trois moyens d’accéder aux aides des éco-régimes (54 ou 76€ /ha)- les pratiques par la diversification de l’assolement (prairies – légumineuses…), le maintien des prairies permanentes ou encore pour la viticulture et l’arboriculture, la couverture végétale de l’inter rang.
- Un bonus de 7 € / ha peut être attribué avec la certification de gestion durable des haies.
- les certifications : agriculture biologique, HVE niveau 3 ou CE2 +. Le bonus pour la gestion durable des haies est cumulable.
- les éléments favorables à la biodiversité : il s’agit de la présence d’infrastructures agroécologiques (IAE) ou de surfaces non productives : haies, arbres, bosquet, mare, fossé, jachères, murs en pierre.
Le bonus haie n’est pas accessible dans cette 3ème voie.
- les programmes opérationnels, ils relaieront les projets des organisations de producteurs et des coopératives en faveur des cultures de protéines végétales mais aussi l’horticulture et l’élevage.
- le soutien à la politique de l’installation est modifié avec la création d’un forfait « jeunes agriculteurs » de 3 400 € par an pendant cinq ans. Il remplacera l’actuel paiement additionnel sur les 34 premiers hectares, avec l’application d’une transparence pour les GAEC.
Les dotations jeunes agriculteurs (DJA) et aides aux nouveaux installés seront financées sur le 2ème pilier à hauteur de 114 millions par an.
Les aides couplées
Aides animales
Globalement le budget des aides animales diminue. Les enveloppes des aides bovins allaitants et laitiers fusionnent. Le montant de la nouvelle enveloppe se chiffrerait à 643 millions en 2024 et diminuerait à 643 millions en 2027 pour financer le budget des aides légumineuses. Les aides animales deviennent des aides à l’UGB de plus de 16 mois (voir tableau ci-dessous). Elles seraient plus favorables à l’élevage laitier et à l’engraissement.
Aide couplée ovine | 23€ / brebis | Minimum 50 brebis. Ratio minimum de productivité de 0,5 agneau par brebis (sinon l’aide est réduite en proportion). Inclut majoration de 2€/brebis pour les 500 premières brebis. L’aide couplée devrait passer à 20€/brebis (majoration incluse) en 2027. |
Aide couplée ovine aux nouveaux producteurs | 6€ / brebis | Complément d’aide versée au maximum 3 ans. Pas de minimum de productivité requise. Montant stable jusqu’en 2027. |
Aide couplée caprine | 15€ / chèvre | Minimum de 25 chèvres. Dans la limite de 400 chèvres. Passe à 14€ / chèvre pour 2026 et 2027. |
Aide couplée bovine à l’UGB | 104€ / UGB pour le niveau supérieur et 57€ / UGB pour le niveau inférieur. Concerne les UGB mâles et femelles de plus de 16 mois, détenus au moins 6 mois. Bovins (taureaux, vaches et autres bovins) de plus de 2 ans = 1 UGB ; Bovins entre 6 mois et 2 ans = 0,6 UGB. | 104€ / UGB pour les UGB mâles de plus de 16 mois quelle que soit la race dans la limite du nombre de vaches présentes sur l’exploitation, et pour les UGB femelles de race à viande dans la limite de 2 fois le nombre de veaux de race à viande (détenus au moins 90 jours). Plafond de 1,4 UGB / hectare de surface fourragère, et un maximum de 120 UGB (en tenant compte du socle à 40). Le montant diminue progressivement pour atteindre 99€ / UGB en 2027. 57€ / UGB pour les UGB femelles de race laitière ou mixte (pour le lait ou l’engraissement) et les UGB mâles de plus de 16 mois qui ne respectent pas les conditions pour le prix fort. Plafond de 40 UGB primables. Le montant diminue progressivement pour atteindre 54€ / UGB en 2027. |
Aide couplée aux veaux sous la mère et veaux bio et sous label | 66€ / veau | Ce montant diminue progressivement pour atteindre 58€ / veau en 2027. |
Source : France Agricole
Les aides aux petites fermes maraichères
Une aide aux petites fermes maraichères d’environ 1600 €/ ha est créée pour les exploitations entre 0,5 et 3 ha.
L’organisation change également : les Régions auront la charge des aides non-surfaciques du deuxième pilier (aides à l’installation ou aux investissements…), et l’État reprend la main sur les aides à la surface (certaines MAEC).
Les aides du 2ème pilier FEADER (1,6 milliards d’euros, +5%)
Les domaines d’intervention du 2ème pilier devraient rester assez semblables à la situation actuelle : MAEC, ICHN, Natura 2000, PCAE, JA, FMSE, Coopération, et fonds LEADER.
Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC)
La recherche de la continuité des mesures permettra aux bénéficiaires actuels de continuer à profiter des aides actuelles.
De nouvelles MAEC seront créées, en faveur des pollinisateurs, des races menacées, et une pour lutter contre les algues vertes.
La conversion à l’Agriculture Biologique
Le budget pour la conversion passe à 34 millions d’euros mais les aides au maintien disparaissent.
Les aides à la conversion sont maintenues à leur niveau actuel sauf pour les grandes cultures qui passeront de 300 à 350 € / ha.
Attention, deux conditionnalités s’appliqueront en France
La conditionnalité sociale (règlementation pour la santé, la sécurité au travail, conditions d’emploi lisibles et transparentes) dès 2023 en France.
La conditionnalité environnementale s’appliquera progressivement entre 2023 et 2025. A titre d’exemple, dans chaque exploitation, au moins 3 % des terres arables seront consacrées à la biodiversité et à des éléments non productifs. Toutes les zones humides et les tourbières seront protégées.
Ces nouvelles règles proposées définissent neuf bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), deux de plus que dans l’actuelle PAC : maintien des prairies permanentes, des zones humides et des tourbières, interdiction du brûlage des chaumes, bandes tampons le long des cours d’eau, limitation de l’érosion des sols en pente, interdiction des sols nus, rotation des cultures, maintien de la biodiversité, maintien des prairies en zone Natura 2000.