La loi « marché du travail » votée en décembre 2022 change les règles en cas de démission présumée et d’abandon de poste. Le décret précisant les modalités d’application de la loi est paru.

La relation employeur – salarié est souvent complexe en particulier dans les situations de rupture. Faisons le point sur tout ce que vous devez savoir sur les nouvelles règles concernant l’abandon de poste.

L’assimilation de l’abandon de poste à une démission est l’un des changements apportés par la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022). Ce dispositif est prévu par l’article L.1237-1-1 du Code du travail.

Un décret du 17 avril 2023 (Décret n°2023-275) apporte les précisons quant à la mise en œuvre du dispositif et marque son entrée en vigueur.

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Qu’est-ce qu’un abandon de poste ?

L’abandon de poste se manifeste lorsque le salarié :

  • Quitte volontairement son poste de travail sans autorisation de l’employeur,
  • S’absente de manière prolongée ou répétée sans justificatif pendant ses heures de travail.

Jusqu’à présent, l’employeur pouvait, selon la gravité du comportement du salarié, licencier ce dernier sur le fondement d’une faute, voire d’une faute grave.

Depuis le 19 avril 2023, date de l’entrée en vigueur du décret d’application, le salarié en situation d’abandon de poste peut être considéré comme démissionnaire.

Quelle procédure pour l’employeur face à l’abandon de poste ?

L’engagement de la procédure repose sur la mise en demeure du salarié de justifier son absence et de reprendre le travail.

Cette mise en demeure est adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (La remise en main propre semble difficilement envisageable dans la mesure où le salarié ne se présente plus au travail).

La rédaction de la mise en demeure est libre ; néanmoins, le Ministère du travail invite à certaines mentions :

  • Précision du délai dont dispose le salarié pour justifier son absence ou reprendre son poste, ainsi que le jour ultime pour la reprise du poste ;
  • Demande de précisions sur les motifs de l’absence ;
  • Mention de la qualité de salarié démissionnaire en cas de refus de reprendre le travail ;
  • Mention relative à la privation des allocations du régime de l’assurance chômage :
  • Conséquence en matière d’exécution du préavis.

Le délai dont dispose le salarié pour justifier son absence ou reprendre son poste ne peut être inférieur à 15 jours. Il s’agit d’un délai calendaire, débutant à la date de présentation du courrier de mise en demeure.

Les justifications d’absence

Le décret prévoit plusieurs situations faisant obstacle à la présomption de démission, notamment :

  • Raisons médicales,
  • Exercice du droit de retrait,
  • Exercice du droit de grève,
  • Refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à un réglementation,
  • Refus du salarié d’une modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Conséquences de la présomption de démission

Les règles relatives à la démission trouveront à s’appliquer en situation de présomption de démission :

1/ Nécessité d’un écrit

Le Ministère du travail précise qu’aucun écrit formalisant la démission n’est requis, peu importe qu’une Convention Collective de travail impose la production d’un tel document.

2/ Préavis

Comme pour toute démission, les règles de droit commun relatives à l’exécution d’un préavis s’appliquent lorsque ce dernier est prévu par la loi, par un accord collectif ou par les usages pratiqués dans la localité ou la profession.

Ce délai commence à courir à compter du jour ultime fixé par l’employeur dans le courrier de mise en demeure pour la reprise du travail.

En conséquence, il est recommandé à l’employeur de préciser dans la mise en demeure que le salarié qui ne reprendrait pas son poste au plus tard à la date fixée est redevable d’un préavis, et d’en fixer les modalités d’exécution.

Il est, néanmoins, peu probable qu’un salarié en situation d’abandon de poste accepte d’exécuter son préavis.

Dans ce cas, le préavis ne sera pas exécuté et l’employeur n’aura pas d’indemnité compensatrice à verser au salarié.

L’employeur peut également dispenser son salarié d’exécuter le préavis.

Dans cette hypothèse, l’employeur est tenu de verser au salarié une indemnité compensatrice correspondant aux salaires que le salarié aurait perçus s’il avait pu exécuter son préavis.

Le contrat de travail est maintenu pendant la durée du préavis.

L’employeur et le salarié peuvent également convenir d’une non-exécution du préavis. Dans cette situation, aucune indemnité compensatrice de préavis n’est due.

Le contrat de travail prend fin à la date retenue par les parties.

3/ Indemnité de congés payés

Les congés non pris par le salarié à la date de fin de contrat sont versés sous la forme d’une indemnité compensatrice sur le dernier bulletin de salaire.

4/ Exclusion du régime d’indemnisation de l’assurance chômage 

L’assimilation de l’abandon de poste à la présomption de démission a pour conséquence de priver le salarié du bénéfice des allocations du régime de l’assurance chômage.

5/ Remise des documents de fin de contrat

Le salarié se verra remettre :

  • Le certificat de travail,
  • Le reçu pour solde de tout compte,
  • L’attestation Pôle Emploi.

Présomption de démission versus procédure de licenciement

Jusqu’à présent, l’employeur pouvait sanctionner l’abandon de poste par la mise en œuvre de la procédure de licenciement pour faute.

Depuis l’entrée en vigueur du dispositif de présomption de démission, la question du devenir du régime juridique du licenciement pour faute grave est clairement posée en cas d’abandon de poste.

En effet, la loi Marché du travail ainsi que le décret d’application n’imposent pas à l’employeur d’utiliser le mécanisme de la présomption de démission.

Néanmoins, le doute subsiste à la lecture du Questions/Réponses publié par le Ministère du travail selon lequel l’employeur qui souhaite mettre un terme à la relation de travail « n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute » et doit mettre en œuvre la procédure de présomption de démission.

Le Conseil d’État, récemment saisi, devrait apporter des précisions dans les prochains jours.

Nous vous invitons, en complément du présent article, à consulter le Questions/Réponses publié par le gouvernement :

Site du Ministère du Travail, du Plein Emploi et de l’insertion

L’ensemble de nos équipes se tient à votre disposition pour répondre à vos interrogations ou pour vous accompagner sur la gestion de votre entreprise ou sur vos déclarations. N’hésitez pas à prendre contact avec l’AGC Accompagnement Stratégie la plus proche.

Merci aux salarié.e.s de nos AGC pour cet article, particulièrement à Aurélie Lecigne d’AS AFA, et également à Natalie Naudin, d’AS Maine-et-Loire.